
La révolution silencieuse de la conduite autonome repose sur une technologie qui cartographie notre monde à la vitesse de la lumière. Le LiDAR (Light Detection And Ranging) s'est imposé comme l'œil technologique des véhicules modernes, permettant une perception tridimensionnelle de l'environnement avec une précision millimétrique. Cette technologie, autrefois réservée aux applications militaires et scientifiques, équipe désormais les voitures de nouvelle génération, transformant radicalement notre conception de la sécurité routière et de l'autonomie des véhicules. Capable de détecter instantanément les obstacles, mesurer les distances et modéliser son environnement en temps réel, le LiDAR fonctionne même dans des conditions où l'œil humain ou les caméras traditionnelles montrent leurs limites. Dans un marché automobile en pleine mutation technologique, comprendre le fonctionnement, les évolutions et les enjeux de cette technologie devient essentiel pour saisir l'ampleur des transformations à venir.
Principes fondamentaux du LiDAR dans l'automobile
Le LiDAR automobile repose sur un principe physique relativement simple : l'émission d'impulsions laser invisibles qui, en rebondissant sur les objets environnants, permettent de mesurer avec précision leur distance et leur position dans l'espace. Contrairement au radar qui utilise des ondes radio, le LiDAR emploie des faisceaux lumineux dans le spectre proche infrarouge, offrant une résolution nettement supérieure. Cette technologie génère ainsi une représentation tridimensionnelle détaillée de l'environnement du véhicule, appelée "nuage de points". Chaque point correspond à un impact laser sur une surface, qu'il s'agisse d'un piéton, d'un autre véhicule, ou d'éléments de l'infrastructure routière.
L'utilisation automobile du LiDAR se distingue par ses exigences de robustesse et de fiabilité. Un capteur embarqué doit pouvoir fonctionner dans des conditions extrêmement variées : forte luminosité, obscurité complète, pluie, brouillard ou neige. En comparaison des caméras traditionnelles, le LiDAR présente l'avantage considérable de fonctionner indépendamment des conditions d'éclairage, puisqu'il génère sa propre source lumineuse. Cette caractéristique s'avère particulièrement précieuse pour les systèmes de conduite autonome qui nécessitent une perception continue et fiable de l'environnement.
La précision du LiDAR automobile atteint aujourd'hui des niveaux impressionnants, avec une marge d'erreur souvent inférieure à 2 centimètres sur des distances allant jusqu'à 200 mètres. Cette exactitude permet aux algorithmes embarqués d'identifier non seulement la présence d'objets, mais également leur nature précise, distinguant par exemple un cycliste d'un piéton ou d'un panneau de signalisation. Le LiDAR produit ainsi une "signature géométrique" caractéristique de chaque objet, facilitant leur classification par les systèmes d'intelligence artificielle.
Au-delà de la simple détection d'obstacles, les systèmes LiDAR modernes permettent également de mesurer la vitesse relative des objets grâce à l'effet Doppler, enrichissant considérablement l'information disponible pour les systèmes d'aide à la conduite. Cette capacité s'avère cruciale pour anticiper les trajectoires des usagers de la route et prendre des décisions de conduite sécuritaires, particulièrement dans des environnements urbains complexes où les mouvements sont multiples et parfois imprévisibles.
Évolution technologique du LiDAR : de velodyne à luminar
L'histoire du LiDAR automobile commence véritablement en 2005, lorsque Velodyne développe son premier capteur spécifiquement pour le DARPA Grand Challenge, une compétition de véhicules autonomes organisée par l'agence de recherche américaine. Depuis, cette technologie a connu des avancées spectaculaires, tant en termes de performance que de miniaturisation et de réduction des coûts. Les premiers systèmes, volumineux et extrêmement onéreux, ont progressivement cédé la place à des capteurs compacts et abordables, ouvrant la voie à une adoption massive par l'industrie automobile.
Le LiDAR hélicoïdal velodyne HDL-64E : premier standard industriel
Le Velodyne HDL-64E représente la première génération de LiDAR automobile ayant établi un standard industriel. Ce capteur cylindrique rotatif, facilement reconnaissable sur le toit des premiers véhicules autonomes, utilise 64 faisceaux laser disposés verticalement pour scanner l'environnement à 360 degrés. Grâce à sa rotation mécanique rapide (jusqu'à 15 Hz), il génère plus d'un million de points de mesure par seconde, offrant une vision détaillée de l'environnement jusqu'à 120 mètres de distance. Malgré son prix initial prohibitif d'environ 75 000 dollars, il a équipé la plupart des véhicules de recherche en conduite autonome entre 2007 et 2016.
Le système Velodyne présentait toutefois plusieurs inconvénients majeurs pour une application automobile de masse : sa taille imposante, sa consommation électrique élevée, et sa vulnérabilité aux vibrations et aux conditions météorologiques extrêmes en raison de ses pièces mobiles. De plus, son aspect esthétique peu discret sur le toit des véhicules constituait un frein à son adoption par les constructeurs soucieux du design de leurs modèles de série.
Les capteurs solid-state de luminar et leur portée de 250 mètres
La seconde génération de LiDAR est marquée par l'émergence des technologies dites "solid-state" ou à état solide, dont Luminar Technologies est l'un des pionniers. Contrairement aux modèles mécaniques rotatifs, ces systèmes n'utilisent pas ou peu de pièces mobiles, augmentant considérablement leur fiabilité et leur résistance aux conditions difficiles. Le capteur Iris de Luminar se distingue particulièrement par sa portée exceptionnelle atteignant 250 mètres, soit plus du double des premiers systèmes Velodyne.
La technologie de Luminar repose sur l'utilisation d'une longueur d'onde laser de 1550 nanomètres (contre 905 nm pour la plupart des concurrents), permettant d'augmenter significativement la puissance d'émission tout en restant inoffensive pour l'œil humain. Cette caractéristique technique est déterminante pour atteindre les performances nécessaires à une conduite autonome de niveau 3 et au-delà, particulièrement pour la détection d'obstacles à grande vitesse qui exige une portée de détection suffisante pour laisser le temps au système de réagir.
La différence entre un LiDAR capable de détecter un objet à 100 mètres et un autre atteignant 250 mètres peut sembler anodine, mais elle représente en réalité 5 secondes supplémentaires de temps de réaction à 110 km/h – souvent la différence entre un accident évité et une collision inévitable.
Lidar MEMS par innoviz et aeye : miniaturisation et précision
Parallèlement aux avancées de Luminar, une autre approche technologique s'est développée avec les LiDAR MEMS (Micro-Electro-Mechanical Systems). Ces systèmes utilisent de minuscules miroirs oscillants, contrôlés électroniquement, pour diriger le faisceau laser. Les entreprises Innoviz et AEye se sont particulièrement illustrées dans ce domaine, avec des capteurs combinant compacité et haute résolution. Le système InnovizTwo, par exemple, atteint une résolution horizontale de 0,1° et une portée de 300 mètres sur les cibles réfléchissantes, tout en conservant des dimensions compatibles avec une intégration discrète dans la carrosserie des véhicules.
La technologie MEMS présente l'avantage de permettre un balayage précis et contrôlé de zones d'intérêt spécifiques, adaptant dynamiquement sa résolution selon les besoins. Cette capacité d'attention sélective , comparable à celle de l'œil humain, optimise l'utilisation des ressources de calcul en concentrant la puissance de traitement sur les éléments les plus pertinents de l'environnement routier. AEye a particulièrement développé cette approche "intelligente" du balayage, permettant par exemple de suivre avec une haute fréquence un véhicule identifié comme présentant un risque potentiel.
Quanergy et la technologie OPA (optical phased array)
La technologie OPA (Optical Phased Array) représente l'horizon le plus prometteur pour les futures générations de LiDAR automobile. Développée notamment par Quanergy, cette approche repose sur des principes d'optique avancée pour diriger le faisceau laser sans aucune pièce mobile. Le faisceau est orienté en modifiant électroniquement la phase des ondes lumineuses émises par un réseau d'émetteurs microscopiques. Cette technique, inspirée des radars à balayage électronique utilisés dans l'aéronautique militaire, permet de réaliser un LiDAR entièrement solid-state, sans la moindre pièce mécanique.
Les avantages de la technologie OPA sont multiples : absence totale d'usure mécanique, possibilité de miniaturisation extrême, faible consommation énergétique et coûts de production potentiellement très réduits grâce à des procédés de fabrication similaires à ceux de la microélectronique. Si les performances des premiers prototypes OPA restent encore inférieures à celles des technologies concurrentes, notamment en termes de portée et de résolution, leur potentiel d'industrialisation à grande échelle et leur robustesse intrinsèque en font une voie de recherche particulièrement prometteuse pour l'avenir du LiDAR automobile.
Architecture et fonctionnement des systèmes LiDAR embarqués
Pour comprendre l'intégration du LiDAR dans l'écosystème technologique d'un véhicule autonome, il convient d'examiner en détail son architecture et son fonctionnement. Un système LiDAR embarqué moderne se compose généralement de quatre éléments fondamentaux : une source laser, un système optique d'émission et de réception, un mécanisme de balayage, et une unité de traitement du signal. Ces composants travaillent en synergie pour produire une représentation précise et en temps réel de l'environnement du véhicule.
Émission-réception et calcul de temps de vol (ToF)
Le principe fondamental du LiDAR repose sur la mesure précise du temps de vol (Time of Flight ou ToF) d'une impulsion laser. Le système émet de brèves impulsions lumineuses, de l'ordre de quelques nanosecondes, puis mesure avec une précision extrême le temps écoulé jusqu'à la réception du signal réfléchi. Connaissant la vitesse de la lumière (299 792 458 m/s), le calculateur détermine la distance exacte de chaque point d'impact. Un système LiDAR moderne effectue jusqu'à plusieurs millions de ces mesures chaque seconde.
La précision de cette mesure dépend de plusieurs facteurs techniques, notamment la qualité des photorécepteurs et l'exactitude de l'horloge interne. Pour atteindre une précision centimétrique à 100 mètres de distance, le système doit mesurer des intervalles de temps inférieurs à la nanoseconde. Cette contrainte temporelle impose l'utilisation de composants électroniques ultrarapides et de convertisseurs analogique-numérique de haute performance. Les LiDAR modernes intègrent également des mécanismes de compensation automatique pour les variations de température qui pourraient affecter la précision des mesures.
Systèmes de balayage : mécaniques, MEMS et solid-state
Le système de balayage constitue l'élément le plus distinctif des différentes architectures LiDAR. On distingue principalement trois approches technologiques, chacune présentant des avantages et limitations spécifiques. Les systèmes mécaniques utilisent des moteurs ou des composants rotatifs pour orienter physiquement le faisceau laser. Cette approche, bien qu'éprouvée, présente des inconvénients en termes de fiabilité à long terme et de résistance aux vibrations inhérentes à l'environnement automobile.
Les systèmes MEMS (Micro-Electro-Mechanical Systems) représentent une évolution intermédiaire, utilisant des miroirs microscopiques oscillants pour diriger le faisceau. Leur taille réduite et leur moindre sensibilité aux vibrations constituent des avantages significatifs pour l'intégration automobile. Toutefois, ces microsystèmes conservent des pièces mobiles, bien que miniaturisées, qui peuvent présenter des problèmes de fiabilité à long terme.
Les technologies solid-state pures, comme les OPA (Optical Phased Array) ou les VCSEL (Vertical-Cavity Surface-Emitting Laser) à balayage électronique, éliminent complètement les pièces mobiles. Le balayage s'effectue par modulation électronique du faisceau ou par activation séquentielle de multiples émetteurs. Si ces technologies offrent une robustesse exceptionnelle , elles présentent actuellement des limitations en termes de champ de vision et de résolution par rapport aux approches mécaniques ou MEMS.
Traitement du nuage de points par algorithmes SLAM
Les données brutes produites par un LiDAR se présentent sous forme d'un nuage de points tridimensionnel, souvent composé de plusieurs millions de points par seconde. Ce volume considérable de données nécessite des algorithmes sophistiqués pour extraire des informations pertinentes. Les algorithmes SLAM (Simultaneous Localization And Mapping) jouent un rôle crucial dans ce processus, permettant au véhicule de se localiser précisément tout en construisant simultanément une carte de son environnement.
Le SLAM LiDAR commence généralement par une étape de segmentation, qui regroupe les points en clusters correspondant à des objets distincts. Vient ensuite la classification, qui identifie la nature des objets détectés (véhicules, piétons, infrastructures...) en analysant leurs caractéristiques géométriques. Enfin, le système effectue un suivi temporel des objets identifiés, permettant de prédire leurs trajectoires futures. Ces algorithmes doivent fonctionner en temps réel, avec des contraintes de latence extrêmement strictes, typiquement in
férieures à 100 millisecondes pour garantir une réaction opportune aux situations de trafic évolutives. Cette exigence de performance nécessite généralement l'utilisation de processeurs dédiés, souvent des GPU (Graphics Processing Units) ou des FPGA (Field-Programmable Gate Arrays) optimisés pour le traitement parallèle massif.
Fusion de données avec radar et caméras via IA
Si le LiDAR offre une perception tridimensionnelle précise de l'environnement, il ne constitue généralement qu'une partie de l'écosystème sensoriel d'un véhicule autonome. La fusion de données multimodales, combinant LiDAR, radar, caméras et parfois ultrasons, permet de compenser les limitations inhérentes à chaque technologie. Cette approche redondante est essentielle pour assurer la sécurité des systèmes autonomes, particulièrement dans des conditions environnementales dégradées.
L'intelligence artificielle, et plus particulièrement les réseaux de neurones profonds, joue un rôle central dans cette fusion de données. Des architectures comme les réseaux CNN (Convolutional Neural Networks) et les transformers permettent d'extraire et de combiner des caractéristiques complémentaires provenant de différentes sources sensorielles. Par exemple, tandis que le LiDAR excelle dans la mesure précise des distances et la détection des obstacles, les caméras restent inégalées pour la reconnaissance des panneaux de signalisation et des marquages au sol, et les radars pour la mesure de vitesse et la détection à travers le brouillard.
Cette approche multimodale s'accompagne de défis techniques considérables, notamment la synchronisation temporelle et la calibration spatiale des différents capteurs. Des algorithmes d'auto-calibration sont désormais intégrés aux véhicules autonomes modernes pour maintenir l'alignement précis des données provenant de capteurs physiquement séparés sur le véhicule. Cette calibration dynamique est particulièrement critique après des événements comme un impact ou un passage dans un nid-de-poule qui pourraient dérégler l'orientation relative des capteurs.
Intégration du LiDAR dans les véhicules autonomes
L'adoption du LiDAR comme composant central des systèmes de conduite autonome a suscité d'intenses débats au sein de l'industrie automobile. Deux visions s'affrontent : une approche multimodale intégrant le LiDAR comme capteur critique, et une stratégie minimaliste basée uniquement sur des caméras et radars. Ce débat technique dépasse largement les considérations purement technologiques pour englober des questions économiques, esthétiques et stratégiques fondamentales pour l'avenir de la mobilité autonome.
Tesla vs waymo : vision pure contre approche multimodale
La controverse autour du LiDAR est particulièrement cristallisée dans l'opposition entre Tesla et Waymo (filiale d'Alphabet). Tesla, sous l'impulsion d'Elon Musk, a fait le choix radical d'une approche sans LiDAR, qualifiant même cette technologie de "béquille inutile" et de "voie sans issue". L'approche Tesla, baptisée "vision pure", repose entièrement sur un réseau de huit caméras et des radars, complétés par un traitement d'image neuronal sophistiqué. Cette stratégie permet de maintenir des coûts matériels relativement bas et une esthétique automobile conventionnelle.
À l'opposé, Waymo a construit sa stratégie autour d'un système sensoriel redondant où le LiDAR joue un rôle central. Ses véhicules autonomes intègrent plusieurs capteurs LiDAR de différentes portées, complétés par des caméras, radars et même des microphones pour la détection des sirènes de véhicules d'urgence. Cette approche privilégie la sécurité et la fiabilité au prix d'un coût matériel significativement plus élevé et d'une intégration esthétique plus complexe.
Si les caméras et l'IA peuvent théoriquement reproduire la perception humaine, le LiDAR offre une dimension supplémentaire que les humains n'ont pas : la capacité de mesurer instantanément et précisément les distances dans toutes les directions simultanément, même dans l'obscurité totale.
L'architecture autopilot 4.0 et son positionnement sur le LiDAR
L'évolution récente de l'architecture Autopilot de Tesla révèle une position plus nuancée que les déclarations publiques d'Elon Musk pourraient laisser penser. Si la quatrième génération du système conserve l'approche vision-centrée, plusieurs éléments suggèrent une reconnaissance implicite des limitations de cette stratégie. L'Autopilot 4.0 intègre désormais des caméras haute résolution à champ profond, capables de détecter des objets jusqu'à 250 mètres, s'approchant ainsi des performances d'un LiDAR moderne.
Plus significativement, Tesla a considérablement augmenté la puissance de calcul embarquée avec son Hardware 4, intégrant une puce FSD (Full Self-Driving) délivrant 144 TOPS (Trillions d'Opérations Par Seconde), soit quatre fois plus que la génération précédente. Cette surenchère computationnelle peut être interprétée comme une tentative de compenser par le traitement algorithmique ce que le LiDAR offre directement par la mesure physique. En parallèle, des brevets récemment déposés par Tesla révèlent des recherches sur des systèmes de pseudo-LiDAR basés sur la vision stéréoscopique pour estimer les distances par triangulation.
Implémentation dans les véhicules audi A8 et mercedes EQS
Les constructeurs premium allemands ont adopté une approche pragmatique concernant l'intégration du LiDAR. L'Audi A8, première voiture de série homologuée pour la conduite autonome de niveau 3 en Europe, intègre un LiDAR Valeo SCALA caché dans la calandre avant. Cette intégration discrète permet de préserver l'esthétique du véhicule tout en bénéficiant des capacités sensorielles avancées du LiDAR. Le système Audi AI Traffic Jam Pilot peut ainsi prendre entièrement le contrôle du véhicule dans les embouteillages, jusqu'à 60 km/h, permettant au conducteur de détourner son attention de la route.
Mercedes-Benz a poussé l'intégration encore plus loin avec son système DRIVE PILOT équipant la berline électrique EQS. Le LiDAR, fourni par Valeo, est élégamment intégré dans la partie inférieure du pare-chocs avant, complètement invisible pour un observateur non averti. Cette prouesse d'intégration démontre que les contraintes esthétiques, souvent citées comme obstacle à l'adoption du LiDAR, peuvent être surmontées par un design ingénieux. Le système Mercedes est homologué pour une utilisation autonome de niveau 3 jusqu'à 130 km/h dans certains pays européens, permettant au conducteur de réaliser d'autres activités comme regarder un film ou répondre à des emails.
Systèmes redondants pour conformité ISO 26262
L'intégration du LiDAR dans les véhicules autonomes s'inscrit dans une problématique plus large de sécurité fonctionnelle, encadrée notamment par la norme ISO 26262 spécifique à l'automobile. Cette norme définit des niveaux d'intégrité de sécurité automobile (ASIL, Automotive Safety Integrity Level) allant de A à D, ce dernier représentant le niveau d'exigence le plus élevé. Pour les fonctions critiques comme la détection d'obstacles, un niveau ASIL D est généralement requis, impliquant une probabilité de défaillance inférieure à 10^-8 par heure de fonctionnement.
Cette exigence de fiabilité extrême explique pourquoi la plupart des constructeurs optent pour des architectures sensorielles redondantes. Le LiDAR n'est jamais utilisé seul mais systématiquement complété par d'autres technologies de perception. Les systèmes modernes implémentent des mécanismes sophistiqués de surveillance croisée, où chaque type de capteur vérifie la cohérence des données des autres. Par exemple, si le LiDAR détecte un obstacle que les caméras ou le radar ne voient pas, le système peut demander une confirmation ou déclencher une manœuvre préventive selon le niveau de confiance établi.
Au-delà de la redondance sensorielle, les véhicules autonomes intègrent également des redondances au niveau des actionneurs (direction, freinage, alimentation électrique) pour garantir la sécurité même en cas de défaillance d'un composant. Cette approche fail-operational, inspirée de l'aéronautique, permet au véhicule de maintenir un niveau minimal de fonctionnement sécuritaire même face à une panne majeure.
Défis techniques et solutions innovantes
Malgré ses capacités impressionnantes, la technologie LiDAR fait face à plusieurs défis techniques qui limitent encore son adoption universelle dans l'industrie automobile. Ces obstacles concernent principalement la robustesse environnementale, les coûts de production, les performances en conditions dégradées et l'optimisation des ressources de calcul. Les avancées récentes dans ces domaines laissent entrevoir des solutions prometteuses qui pourraient accélérer la démocratisation de cette technologie.
Robustesse face aux conditions météorologiques extrêmes
Les systèmes LiDAR présentent des limitations intrinsèques face à certaines conditions météorologiques. Les particules en suspension dans l'air comme le brouillard, la pluie, la neige ou la poussière peuvent diffuser ou absorber les faisceaux laser, réduisant significativement la portée effective du capteur. À titre d'exemple, un brouillard dense peut réduire la portée d'un LiDAR de 250 mètres en conditions optimales à moins de 50 mètres, compromettant potentiellement la sécurité du système à vitesse élevée.
Pour surmonter ces limitations, les fabricants développent des stratégies multiples. L'une d'elles consiste à utiliser des algorithmes de traitement du signal avancés capables de distinguer les retours provenant d'objets solides de ceux générés par les particules en suspension. Cette approche permet de "voir à travers" des conditions légèrement dégradées. Une autre solution implique l'utilisation de longueurs d'onde optimisées, comme 1550 nm, qui pénètrent mieux certains types de brouillard que les 905 nm traditionnellement employés.
Les équipementiers développent également des systèmes de nettoyage et de dégivrage automatiques pour les optiques des capteurs. Ces dispositifs, similaires aux lave-glaces et dégivreurs classiques, garantissent que les surfaces optiques restent propres et fonctionnelles en toutes circonstances. Certains modèles avancés intègrent même des fonctions d'auto-diagnostic qui alertent le système lorsque les conditions dépassent les capacités opérationnelles du capteur, permettant ainsi une dégradation gracieuse vers des modes de fonctionnement plus conservateurs.
Réduction des coûts : de 75 000$ à moins de 1 000$
Le coût prohibitif des premiers systèmes LiDAR représentait un obstacle majeur à leur adoption massive. Les premiers capteurs Velodyne HDL-64E, à près de 75 000 dollars l'unité, étaient réservés aux prototypes de recherche et aux flottes expérimentales. En l'espace d'une décennie, l'industrie a accompli des progrès spectaculaires dans la réduction des coûts, avec des LiDAR d'entrée de gamme désormais disponibles pour moins de 1 000 dollars.
Cette baisse drastique résulte de plusieurs avancées parallèles. D'abord, la miniaturisation et la simplification des architectures optiques, remplaçant les assemblages complexes par des composants intégrés. Ensuite, le passage de la production artisanale à des méthodes industrielles à grande échelle, permettant des économies substantielles. Enfin, l'émergence de nouvelles technologies comme les photodiodes à avalanche en silicium (SiPM) ou les lasers VCSEL (Vertical-Cavity Surface-Emitting Laser) qui offrent des alternatives moins coûteuses aux composants traditionnels.
Les analystes de l'industrie prévoient que cette tendance va se poursuivre, avec des prix potentiellement inférieurs à 500 dollars pour des systèmes LiDAR automobile performants d'ici 2025. À ce niveau de prix, l'argument économique contre l'adoption du LiDAR perdrait considérablement de sa pertinence, d'autant plus que ces capteurs pourraient remplacer partiellement certains radars et caméras actuellement utilisés, compensant partiellement leur coût additionnel.
Fréquence de balayage et résolution spatiale optimales
La performance d'un système LiDAR ne se mesure pas uniquement à sa portée, mais également à sa résolution spatiale et sa fréquence de rafraîchissement. Ces paramètres déterminent la capacité du système à détecter de petits objets et à suivre des objets en mouvement rapide. Les premières générations de LiDAR offraient typiquement une résolution angulaire de 0,2° à 0,5° et une fréquence de rafraîchissement de 5 à 20 Hz, insuffisantes pour certains scénarios critiques comme la détection de débris sur autoroute.
Les systèmes contemporains atteignent des résolutions bien supérieures, jusqu'à 0,05° horizontalement et verticalement, permettant de distinguer des objets de la taille d'une balle de tennis à 100 mètres de distance. Parallèlement, les fréquences de balayage ont progressé jusqu'à 30 Hz, voire 50 Hz pour certains modèles spécialisés, réduisant significativement la latence du système et améliorant le suivi des objets dynamiques.
Cette course à la performance s'accompagne cependant d'un défi majeur : la gestion du volume de données généré. Un LiDAR haute résolution moderne peut produire jusqu'à 70 millions de points par seconde, représentant un flux de données brutes de plusieurs gigabits par seconde. Cette avalanche de données nécessite des architectures de traitement embarquées extrêmement performantes, souvent basées sur des circuits ASIC (Application-Specific Integrated Circuit) ou FPGA dédiés, capables de prétraiter le flux en temps réel avant de transmettre uniquement les informations pertinentes à l'unité centrale de décision.