Les châteaux de France constituent un patrimoine architectural d'une richesse exceptionnelle qui permet de voyager à travers les époques. Du Moyen Âge à la période classique, ces édifices témoignent de l'évolution des techniques de construction, des styles architecturaux et des modes de vie de leurs occupants. Le tourisme castral offre ainsi une immersion dans l'histoire de France, à travers des monuments qui ont souvent été le théâtre d'événements majeurs. Aujourd'hui, ce patrimoine se réinvente pour proposer des expériences touristiques innovantes, alliant authenticité historique et technologies modernes. Des circuits thématiques aux nuits insolites dans des donjons médiévaux, en passant par les reconstitutions historiques et les escape games, les possibilités de découverte sont multiples et s'adressent à tous les publics.

L'évolution architecturale des châteaux français à travers les siècles

L'architecture castrale française s'est métamorphosée au fil des siècles, reflétant les changements politiques, militaires et culturels du pays. Ces évolutions architecturales racontent l'histoire de France à travers la pierre et permettent aujourd'hui aux visiteurs d'observer les différentes strates historiques souvent présentes sur un même site. L'étude de ces transformations nous éclaire sur les préoccupations dominantes de chaque époque, depuis la fonction défensive primordiale des premiers châteaux jusqu'aux demeures d'apparat des périodes plus récentes.

Des mottes castrales aux donjons : l'héritage médiéval du XIe siècle

Les premières fortifications médiévales apparaissent au Xe siècle avec les mottes castrales, simples buttes de terre surmontées d'une tour en bois. Ces structures rudimentaires évoluent rapidement au XIe siècle vers des constructions en pierre plus durables. Le donjon, tour maîtresse massive, devient alors l'élément central et symbolique du pouvoir seigneurial. Le château de Loches, avec son imposant donjon quadrangulaire de 36 mètres de hauteur construit vers 1030, constitue un témoignage remarquable de cette première génération de châteaux en pierre.

Ces donjons romans, souvent isolés à l'origine, s'intègrent progressivement dans des ensembles fortifiés plus complexes. Leurs murs massifs, pouvant atteindre trois mètres d'épaisseur, et leurs rares ouvertures témoignent de leur fonction essentiellement défensive. À cette époque, le confort est minimal et la dimension résidentielle reste secondaire. La visite de ces premiers donjons permet de comprendre les conditions de vie austères des seigneurs du XIe siècle et l'organisation féodale du territoire.

Les châteaux-forts défensifs de philippe auguste et la guerre de cent ans

Au début du XIIIe siècle, Philippe Auguste (1180-1223) impulse une véritable révolution dans l'architecture militaire française. Le roi fait construire ou moderniser un réseau stratégique de places fortes pour consolider son pouvoir face aux grands feudataires et à la menace anglaise. Ces châteaux philippiens se caractérisent par leur plan circulaire ou polygonal, leurs tours rondes plus résistantes aux projectiles, et leur architecture systématisée qui préfigure les constructions royales standardisées.

La guerre de Cent Ans (1337-1453) engendre ensuite une course aux perfectionnements défensifs. Les châteaux s'adaptent à l'évolution des techniques de siège avec l'apparition des archères-canonnières, des barbacanes et des boulevards avancés. Le Château Gaillard aux Andelys, construit par Richard Cœur de Lion mais profondément remanié pendant cette période, illustre parfaitement ces adaptations successives. Les techniques de défense active se développent avec des systèmes de hourds, de mâchicoulis et de bretèches qui permettent de défendre efficacement le pied des murailles.

La renaissance et les châteaux de la loire : chambord, chenonceau et amboise

Au tournant du XVIe siècle, les guerres d'Italie transforment profondément la culture française. Les souverains et l'aristocratie, fascinés par la Renaissance italienne, font construire ou transformer leurs demeures selon de nouveaux canons esthétiques. Le Val de Loire devient le cœur de cette révolution architecturale, accueillant une concentration exceptionnelle de châteaux remarquables. Les éléments défensifs, devenus obsolètes face aux progrès de l'artillerie, cèdent progressivement la place à des éléments décoratifs.

Chambord, commencé en 1519 sous François Ier, incarne parfaitement cette transition architecturale avec son plan médiéval flanqué de tours d'angle mais orné d'une profusion de détails Renaissance. Son célèbre escalier à double révolution témoigne de l'influence italienne. Chenonceau, bâti sur le Cher, illustre l'élégance et la légèreté de cette nouvelle architecture avec sa galerie enjambant la rivière. Quant au château d'Amboise, sa transformation par Charles VIII puis François Ier en fait une résidence royale emblématique où vécut Léonard de Vinci durant ses dernières années.

Ces châteaux de la Renaissance privilégient l'ouverture sur l'extérieur avec de larges fenêtres, des jardins ordonnancés et une recherche de symétrie. Le confort intérieur devient primordial avec l'apparition des appartements privés, des cabinets de travail et une spécialisation des espaces qui annonce l'organisation moderne des demeures aristocratiques.

Les châteaux classiques de louis XIV et l'influence de versailles

Le XVIIe siècle marque une nouvelle étape décisive dans l'évolution de l'architecture castrale française. Sous Louis XIV, le château perd définitivement sa fonction défensive pour devenir une demeure d'apparat destinée à manifester le prestige et la puissance de son propriétaire. Versailles, transformé par Louis XIV à partir de 1661, impose un modèle qui sera imité dans toute l'Europe. Ce n'est plus la verticalité médiévale qui prime, mais l'horizontalité et l'étalement majestueux des façades.

L'architecture classique se caractérise par la recherche de l'ordre, de la symétrie et des proportions harmonieuses. Les façades s'organisent autour d'un corps central souvent souligné par un fronton triangulaire et des pavillons d'angle. À l'intérieur, l'enfilade des pièces d'apparat répond à un cérémonial rigoureux, tandis que les décors de stuc, les boiseries dorées et les plafonds peints créent des espaces d'une somptuosité inégalée . Les jardins à la française, conçus par André Le Nôtre, deviennent indissociables de ces nouvelles demeures et prolongent leurs axes de symétrie dans le paysage.

Les néo-châteaux du XIXe siècle : pierrefonds et le romantisme castral

Le XIXe siècle, marqué par le mouvement romantique et un regain d'intérêt pour le Moyen Âge, voit fleurir de nombreuses restaurations et constructions de châteaux inspirées des périodes antérieures. Cette architecture éclectique puise librement dans le répertoire des styles historiques tout en intégrant le confort moderne. Le château de Pierrefonds, ruine médiévale reconstruite par Viollet-le-Duc à la demande de Napoléon III entre 1857 et 1885, incarne parfaitement cette réinterprétation idéalisée de l'architecture médiévale.

Dans le même esprit, de nombreuses familles enrichies par la révolution industrielle font construire des demeures néo-gothiques, néo-Renaissance ou néo-classiques qui réinventent l'idée même du château. Le château d'Abbadia au Pays basque, avec son style néo-gothique teinté d'inspirations orientales, illustre cette tendance. Ces créations du XIXe siècle, longtemps décriées pour leur manque d'authenticité, sont aujourd'hui réévaluées et constituent une composante essentielle du patrimoine castral français.

Circuits et itinéraires thématiques des forteresses françaises

Pour explorer le riche patrimoine castral français, de nombreux circuits thématiques ont été développés à travers l'Hexagone. Ces itinéraires permettent aux visiteurs de découvrir des ensembles cohérents de châteaux liés par leur histoire, leur géographie ou leur style architectural. Chaque région de France possède ses particularités castrales qui témoignent de son histoire spécifique et des influences culturelles qu'elle a subies. Les routes touristiques dédiées aux châteaux offrent ainsi une lecture du territoire à travers ses monuments les plus emblématiques.

La route des châteaux cathares : peyrepertuse, quéribus et montségur

Dans les contreforts des Pyrénées, la Route des Châteaux Cathares permet de découvrir un ensemble exceptionnel de forteresses médiévales liées à l'histoire tragique du catharisme. Ces "citadelles du vertige", comme les a surnommées l'écrivain Michel Roquebert, ont été édifiées ou renforcées après la croisade contre les Albigeois (1209-1229) pour surveiller la frontière avec l'Aragon et prévenir tout retour de l'hérésie cathare. Perchées sur des pitons rocheux spectaculaires, elles offrent des panoramas à couper le souffle sur les Corbières et la plaine roussillonnaise.

Le château de Peyrepertuse, véritable vaisseau de pierre de 300 mètres de long, constitue l'une des plus imposantes forteresses de cette route. Quéribus, sentinelle avancée du royaume de France face à l'Aragon, impressionne par sa situation vertigineuse. Quant à Montségur, son nom reste indissociable du bûcher collectif de 1244 où plus de 200 cathares choisirent la mort plutôt que l'abjuration. La visite de ces châteaux, souvent accessibles après une marche d'approche exigeante, constitue une expérience à la fois physique, historique et spirituelle.

Le val de loire et ses 42 châteaux classés UNESCO

Inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2000, le Val de Loire abrite la plus importante concentration de châteaux de France sur un territoire relativement restreint. Cette région, choisie par les rois de France comme lieu de villégiature à la Renaissance, compte plus de 42 châteaux majeurs répartis sur 280 kilomètres entre Sully-sur-Loire et Chalonnes-sur-Loire. Cet ensemble exceptionnel témoigne de l'extraordinaire floraison architecturale qui caractérisa les XVe et XVIe siècles français.

Au-delà des incontournables Chambord, Chenonceau et Amboise, l'itinéraire permet de découvrir des joyaux moins connus comme Azay-le-Rideau, petit bijou Renaissance posé sur l'Indre, Villandry et ses jardins extraordinaires reconstitués selon les plans d'origine, ou encore Chaumont-sur-Loire qui accueille chaque année un festival international des jardins. Ces châteaux racontent l'histoire de la France à travers l'architecture, les arts décoratifs et l'art des jardins. Une densité patrimoniale unique qui justifie pleinement plusieurs jours d'exploration.

Les châteaux alsaciens et la route des vins : Haut-Kœnigsbourg et fleckenstein

L'Alsace possède une tradition castrale particulièrement riche, marquée par les influences germaniques et sa position frontalière stratégique. La Route des Châteaux d'Alsace, qui coïncide partiellement avec la célèbre Route des Vins, permet de découvrir plus de 80 châteaux médiévaux dont certains comptent parmi les plus impressionnants de France. Souvent perchés sur les contreforts des Vosges, ces châteaux bénéficient de situations exceptionnelles qui leur confèrent un charme romantique indéniable.

Le Haut-Kœnigsbourg, entièrement restauré au début du XXe siècle sous l'impulsion de l'empereur Guillaume II, offre une vision saisissante de ce qu'était une forteresse médiévale en activité. Le château du Fleckenstein, taillé dans le grès rose des Vosges, présente quant à lui une architecture originale parfaitement adaptée à son site rupestre. L'itinéraire permet également de découvrir des ensembles plus méconnus comme les Trois-Châteaux d'Eguisheim ou le Wasigenstein. Ces visites peuvent idéalement se combiner avec la découverte des villages pittoresques et des vignobles qui jalonnent la Route des Vins.

Le circuit des bastides et forteresses de Dordogne-Périgord

La Dordogne-Périgord, terre de conflits pendant la guerre de Cent Ans, présente une concentration exceptionnelle de châteaux et de bastides qui témoignent de son histoire mouvementée. Plus de 1000 châteaux et manoirs y sont recensés, ce qui lui vaut parfois le surnom de "pays aux mille et un châteaux". Le circuit proposé permet de découvrir cette richesse architecturale tout en explorant les splendides paysages de la vallée de la Dordogne et de ses affluents.

Parmi les sites incontournables figurent le château de Beynac, impressionnante forteresse féodale perchée sur une falaise surplombant la Dordogne, et le château de Castelnaud, qui abrite aujourd'hui un remarquable musée de la guerre au Moyen Âge. Non loin de là, les jardins suspendus de Marqueyssac offrent un point de vue exceptionnel sur la vallée et ses châteaux. Ce circuit peut être complété par la visite des bastides, ces villes neuves fondées aux XIIIe et XIVe siècles selon un plan régulier, comme Monpazier ou Domme, qui illustrent parfaitement l' urbanisme médiéval planifié.

L'expérience immersive du tourisme castral

Au-delà de la simple visite patrimoniale, le tourisme castral propose aujourd'hui des expériences immersives qui permettent aux visiteurs de vivre un véritable voyage dans le temps. Ces nouvelles approches répondent à une demande croissante d'expériences authentiques et participatives. Festivals médiévaux, nuits insolites, gastronomie d'époque ou jeux d'énigmes :

les nombreuses propositions d'animations castrales offrent une palette d'activités pour tous les publics, des plus jeunes aux plus érudits. Ces approches renouvellent la perception du patrimoine castral en le rendant plus vivant et plus accessible.

Festivals médiévaux et reconstitutions historiques : les médiévales de provins

Les festivals médiévaux et les reconstitutions historiques permettent de plonger dans l'atmosphère d'une époque révolue. Ces événements, qui se multiplient chaque année, proposent une immersion complète dans le passé à travers costumes, artisanat, musiques, danses et techniques de combat d'époque. Parmi les plus renommés, les Médiévales de Provins transforment chaque année cette cité médiévale classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en véritable théâtre vivant du Moyen Âge.

Pendant deux jours, plus de 200 artistes et artisans investissent les rues et places de la ville haute. Jongleurs, troubadours, fauconniers et chevaliers recréent l'ambiance d'une cité médiévale en pleine effervescence. Les visiteurs peuvent assister à des tournois équestres spectaculaires, découvrir les métiers d'antan comme la frappe de monnaie ou la calligraphie, et même participer à des ateliers d'initiation au combat médiéval. La gastronomie n'est pas en reste avec des tavernes proposant des mets inspirés des recettes médiévales, comme l'hypocras, vin épicé très prisé au Moyen Âge.

D'autres sites castraux majeurs organisent également des événements similaires, comme le château du Puy du Fou, dont les spectacles historiques attirent des millions de visiteurs chaque année, ou encore le château de Castelnaud qui propose régulièrement des démonstrations de tir au trébuchet et à l'arbalète. Ces reconstitutions, au-delà de leur aspect ludique, sont aussi de véritables outils pédagogiques qui permettent de comprendre par l'expérience les conditions de vie des époques passées.

Nuits insolites : dormir dans les tours et donjons historiques

L'une des expériences les plus immersives du tourisme castral consiste à passer une nuit dans un château historique. De nombreux édifices proposent désormais des hébergements qui permettent de prolonger l'expérience bien après la fermeture des portes aux visiteurs. Du simple gîte aménagé dans les dépendances à la suite princière dans les appartements historiques, en passant par des nuits en tentes médiévales dans les douves asséchées, l'offre s'est considérablement diversifiée ces dernières années.

Le château de la Treyne dans le Lot offre ainsi la possibilité de loger dans des chambres luxueuses aménagées dans le corps principal du château Renaissance. À Talloires, près d'Annecy, l'abbaye transformée en hôtel permet de dormir dans d'anciennes cellules de moines reconverties en chambres raffinées. Plus original encore, le château de Boucéel en Normandie propose des chambres d'hôtes historiques où chaque pièce raconte l'histoire d'un personnage illustre ayant séjourné dans les lieux.

Pour les amateurs d'expériences plus rustiques, certains châteaux comme celui de Tennessus dans les Deux-Sèvres offrent la possibilité de passer une nuit dans le donjon médiéval, avec un confort volontairement limité pour une immersion totale. Ces séjours, souvent agrémentés de visites privilégiées et parfois de repas d'époque, permettent de s'approprier ces lieux chargés d'histoire d'une manière unique, en ressentant l'atmosphère particulière qui s'en dégage une fois le jour tombé.

Gastronomie médiévale et banquets d'époque au château de sedan

La découverte de la gastronomie historique constitue un autre aspect fascinant du tourisme castral. Plusieurs châteaux proposent désormais des banquets inspirés des recettes d'époque, permettant de découvrir des saveurs oubliées et des associations surprenantes. Au château de Sedan, plus vaste forteresse médiévale d'Europe, ces festins d'inspiration médiévale sont organisés régulièrement dans le cadre majestueux de la salle des Princes.

Ces repas historiques s'appuient sur des recherches approfondies menées dans les traités culinaires anciens comme "Le Viandier" de Taillevent (XIVe siècle) ou "Le Ménagier de Paris" (1393). On y redécouvre l'importance des épices, symboles de richesse au Moyen Âge, l'absence de certains ingrédients aujourd'hui courants comme la tomate ou la pomme de terre, et la présence de saveurs aigres-douces caractéristiques de la cuisine médiévale. Les convives sont invités à manger avec leurs doigts ou à l'aide d'un couteau personnel, comme le voulait la coutume, tandis que des musiciens et jongleurs animent le repas.

D'autres sites comme l'Hostellerie du Château de Châteaubriant ou le château du Rivau près de Chinon proposent également des repas thématiques où la cuisine devient un véritable vecteur de découverte historique. Ces expériences sensorielles complètent parfaitement la visite des lieux en ajoutant une dimension gustative à l'immersion dans le passé. Elles permettent également de comprendre l'importance sociale et politique des banquets dans la société médiévale et renaissante.

Escape games et chasses au trésor dans les châteaux de france

Pour répondre aux attentes d'un public en quête d'expériences participatives, de nombreux châteaux développent des activités ludiques comme les escape games et les chasses au trésor. Ces jeux, qui s'appuient sur l'histoire réelle des lieux tout en y ajoutant une dimension fictionnelle, permettent d'explorer le patrimoine castral de manière active et engageante. Le succès de ces formules témoigne d'une évolution profonde dans la manière d'aborder le tourisme culturel.

Au château de Cheverny, qui a inspiré Moulinsart dans les aventures de Tintin, un escape game intitulé "Les secrets de Moulinsart" propose aux visiteurs de résoudre une série d'énigmes pour retrouver un trésor caché. Au château royal de Blois, "Le mystère de la Salamandre" invite les joueurs à déjouer un complot contre François Ier en parcourant les différentes ailes du château. Ces jeux, conçus en collaboration avec des historiens, permettent d'aborder de manière ludique des aspects historiques authentiques tout en développant un récit captivant.

Pour les familles avec enfants, les chasses au trésor constituent souvent une première approche idéale du patrimoine castral. Le château du Clos Lucé à Amboise, dernière demeure de Léonard de Vinci, propose ainsi un parcours-jeu dans les jardins qui permet de découvrir les inventions du génie italien. Ces dispositifs, en transformant la visite en aventure interactive, contribuent à rendre le patrimoine plus accessible aux jeunes générations et à renouveler l'intérêt pour ces monuments historiques.

Préservation et valorisation du patrimoine castral français

La préservation et la valorisation du patrimoine castral français représentent un défi majeur pour les propriétaires publics et privés. Avec plus de 10 000 châteaux recensés sur le territoire, l'entretien de ces monuments historiques nécessite des investissements considérables et une expertise technique pointue. Pourtant, au-delà de leur valeur patrimoniale, ces édifices constituent aujourd'hui de véritables leviers de développement territorial, générant des retombées économiques significatives dans les régions où ils sont implantés.

Les modes de gestion se sont diversifiés ces dernières décennies, allant de la propriété publique à la gestion privée en passant par des formules mixtes associant collectivités, associations et mécènes. Le Centre des monuments nationaux gère une centaine de châteaux majeurs, tandis que de nombreux autres appartiennent à des collectivités territoriales ou à des propriétaires privés. Ces derniers, qui possèdent environ 70% des châteaux français, jouent un rôle essentiel dans la sauvegarde de ce patrimoine malgré les contraintes financières souvent écrasantes.

De nouvelles formes de financement participatif émergent pour soutenir la restauration de ces monuments. La mission Bern et le Loto du patrimoine ont ainsi permis de collecter des fonds significatifs pour des châteaux en péril comme celui de Carneville dans la Manche ou de Paluel en Dordogne. Des plateformes de financement collaboratif comme Dartagnans permettent également à des collectifs citoyens d'acquérir et de restaurer des châteaux menacés, comme ce fut le cas pour le château de la Mothe-Chandeniers dans la Vienne, sauvé par plus de 25 000 copropriétaires du monde entier.

Tourisme castral et numérique : applications et visites virtuelles

La révolution numérique a profondément transformé l'expérience de visite des châteaux français. Les nouvelles technologies offrent désormais des possibilités inédites pour comprendre l'histoire de ces édifices, visualiser leur évolution architecturale et même les explorer à distance. Ces outils numériques, loin de concurrencer la visite physique, l'enrichissent et la complètent en proposant des niveaux de lecture supplémentaires accessibles à tous les publics.

Les applications de réalité augmentée permettent de superposer à la vision réelle des reconstitutions virtuelles montrant les châteaux à différentes époques. Au château de Falaise, lieu de naissance de Guillaume le Conquérant, des tablettes tactiles permettent de visualiser les intérieurs tels qu'ils étaient au Moyen Âge, avec leur mobilier et leurs décorations. À Chambord, l'application "Chambord histoPad" propose une immersion à 360° dans les pièces du château au XVIe siècle, enrichie de commentaires historiques détaillés.

Les visites virtuelles, particulièrement développées depuis la crise sanitaire, offrent désormais la possibilité d'explorer certains châteaux à distance. Le château de Versailles propose une expérience numérique exceptionnelle permettant de parcourir la Galerie des Glaces ou les Grands Appartements en haute définition. Ces dispositifs, bien que ne remplaçant pas l'émotion de la visite réelle, constituent des outils pédagogiques précieux pour préparer sa visite ou approfondir ses connaissances après coup.

Les réseaux sociaux sont également devenus des vecteurs majeurs de valorisation du patrimoine castral. De nombreux châteaux animent désormais des communautés en ligne, partagent des anecdotes historiques et organisent des événements virtuels. Le château de Vaux-le-Vicomte excelle particulièrement dans ce domaine, avec des contenus originaux qui attirent un public international et renouvellent l'image parfois poussiéreuse associée aux monuments historiques.

Châteaux méconnus et joyaux cachés du patrimoine féodal français

Si certains châteaux comme Versailles, Chambord ou Chenonceau attirent des millions de visiteurs chaque année, la France regorge de joyaux méconnus qui méritent amplement le détour. Ces châteaux moins fréquentés offrent souvent une expérience de visite plus authentique et plus intimiste, loin des foules touristiques. Ils permettent également de découvrir des aspects moins connus de l'histoire de France et des particularités architecturales régionales fascinantes.

Le château de foix et la féodalité pyrénéenne

Dressé sur son éperon rocheux, le château de Foix domine majestueusement la ville éponyme et la vallée de l'Ariège. Cette impressionnante forteresse témoigne de l'histoire mouvementée des comtés pyrénéens et de leur situation frontalière stratégique. Avec ses trois tours qui se détachent sur le ciel, dont deux carrées datant du XIIe siècle et une ronde du XVe siècle, le château présente un exemple remarquable d'architecture militaire médiévale adaptée à un site montagnard.

Récemment restauré et doté d'un parcours muséographique innovant, le château de Foix propose une immersion dans la vie quotidienne d'une forteresse médiévale au XIVe siècle. Des espaces entièrement restitués permettent de découvrir la grande salle d'apparat, la chambre du comte et les cuisines meublées comme à l'époque. Dans la cour, un chantier médiéval permanent montre les techniques de construction d'autrefois avec des artisans qui taillent la pierre, forgent des outils ou assemblent des charpentes selon les méthodes ancestrales.

Le château de Foix est indissociable de l'histoire des comtes de Foix, notamment de Gaston Fébus, figure emblématique du XIVe siècle qui sut maintenir l'indépendance de son comté face aux ambitions françaises et anglaises pendant la guerre de Cent Ans. Ce prince lettré, auteur du célèbre "Livre de la chasse", représente parfaitement cette féodalité pyrénéenne fière et indépendante qui a façonné l'identité de cette région frontalière.

Les citadelles de vauban : blaye, besançon et Mont-Louis

L'œuvre défensive de Vauban, ingénieur militaire de Louis XIV, constitue un patrimoine castral exceptionnel parfois méconnu du grand public. Les douze sites majeurs formant les "Fortifications de Vauban" sont inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2008. Parmi eux, certaines citadelles offrent des expériences de visite particulièrement riches, alliant intérêt architectural, historique et paysager.

La citadelle de Blaye, sentinelle sur l'estuaire de la Gironde, forme avec le Fort Médoc et le Fort Paté un verrou défensif impressionnant conçu pour protéger Bordeaux des attaques navales. Ce site exceptionnel de 38 hectares abrite aujourd'hui un village dans ses murs, avec des artisans, des galeries d'art et des restaurants. À Besançon, la citadelle occupe un site naturel remarquable, une boucle du Doubs ceinturant un promontoire rocheux. Elle accueille désormais plusieurs musées dont le Musée comtois et le Musée de la Résistance et de la Déportation, ainsi qu'un parc zoologique original